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Cisseron
22 décembre 2008

Faire ses courses le dimanche ?

Travailler pour vivre ou vivre pour travailler ?

Cette question a été relancée à la fin du mois de novembre par le dépôt d'un projet de loi visant à libéraliser le travail le dimanche ce qui a sucité un vif débat durant le mois de décembre.

Il est intéressant de noter que cette question est très ancienne car dans le premier livre de la Bible, le livre de la Génèse, l'affirmation suivante :

Le septième jour, Dieu a terminé le travail qu'il a fait. Et le septième jour: il fait de ce jour-là un jour qui lui est réservé. En effet, ce jour-là, Dieu s'est reposé de tout son travail de créateur. Génèse, chapitre 2, versets 2 et 3.

Dans les dix commandements que ramène Moïse du mont Sinaï, le principe d'une journée de repos hebdomadaire commun à tous est posé :

En six jours, j'ai créé le ciel et la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent. Mais le septième jour, je me suis reposé. C'est pourquoi, moi, le Seigneur, j'ai béni le jour du sabbat : ce jour est réservé pour moi. Exode, chapitre 20, verset 11.

Par décret du 7 mars 321, l'empereur romain Constantin déclare : “Au jour vénérable du soleil, que les magistrats et les habitants se reposent et que tous les ateliers soient fermés“.

Constantin établissait ainsi, dans l’esprit de l’Edit de tolérance de 313, un jour commun de repos pour les deux grandes religions de l’Empire : la religion de Mithra, dieu oriental de la lumière assimilé au dieu grec du soleil, Hélios, qui fêtait le soleil invaincu, “dies solis”,  étymologie de Sunday en anglais ou de Sonntag en allemand, et la religion chrétienne qui célébrait le lendemain du sabbat la Résurrection du Christ, « dies Dominicus », jour du Seigneur, étymologie de Dimanche en français.

La chute de l'empire romain d'Occident entraîna la fin de ce jour hebdomadaire de repos.

Que dit aujourd'hui le Code du travail en France ?

Il y a deux articles qui fondent le principe du repos dominical :

Art. L. 221-2.- Il est interdit d'occuper plus de six jours par semaine un même salarié.

Art. L. 221-5.- Le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche.


Contrairement à ce qui est affirmé par certains soutiens du projet gouvernemental, le Code du travail n'est pas rigide puisque nous trouvons déjà de nombreux aménagements au principe du repos dominal applicable pour tous, par exemple :


Art. L. 221-6.- Lorsqu'il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tout le personnel d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être donné, soit toute l'année, soit à certaines époques de l'année seulement suivant l'une des modalités ci-après :
a) Un autre jour que le dimanche à tout le personnel de l'établissement ;
b) Du dimanche midi au lundi midi ;
c) Le dimanche après-midi avec un repos compensateur d'une journée par roulement et par quinzaine;
d) Par roulement à tout ou partie du personnel.
Les autorisations nécessaires ne peuvent être accordées que pour une durée limitée. Elles sont données après avis du conseil municipal, de la chambre de commerce et d'industrie et des syndicats d'employeurs et de travailleurs intéressés de la commune.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux clercs, commis et employés des études et greffes dans les offices ministériels.


Ou encore (le lecteur pressé aura intérêt de faire usage de la barre de défilement rapide de sa fenêtre d'écran car la liste des exceptions est longue) :


Art. L. 221-8-1.- (L. no 93-1313, 20 déc. 1993) - Sans préjudice des dispositions de l'article L. 221-6, dans les communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente, le repos hebdomadaire peut être donné par roulement pour tout ou partie du personnel, pendant la ou les périodes d'activités touristiques, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d'ordre sportif, récréatif ou culturel.
La liste des communes touristiques ou thermales concernées est établie par le préfet, sur demande des conseils municipaux, selon des critères et des modalités définis par voie réglementaire. Pour les autres communes, le périmètre des zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente est délimité par décision du préfet prise sur proposition du conseil municipal.
Les autorisations nécessaires sont accordées par le préfet après avis des instances mentionnées au sixième alinéa de l'article L. 221-6.
Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article.

Art. L. 221-9.- Sont admis de droit à donner le repos hebdomadaire par roulement les établissements appartenant aux catégories suivantes :
1o Fabrication de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate ;
2o Hôtels, restaurants et débits de boissons ;
3o Débits de tabac ;
4o Magasins de fleurs naturelles ;
5o Hôpitaux, hospices, asiles, hôpitaux psychiatriques, maisons de retraite, dispensaires, maisons de santé, pharmacies ;
6o Établissements de bains ;
7o Entreprises de journaux et d'information ;
8o Entreprises de spectacles ;
9o Musées et expositions ;
10o Entreprises de location de chaises, de moyens de locomotion ;
11o Entreprise d'éclairage et de distribution d'eau et de force motrice ;
12o Entreprises de transport par terre autres que les chemins de fer ; entreprises de transport et de travail aériens ;
13o Entreprises d'émission et de réception de télégraphie sans fil ;
14o (L. no 93-1313, 20 déc. 1993) Espaces de présentation et d'exposition permanente dont l'activité est exclusive de toute vente au public, réservés aux producteurs, revendeurs ou prestataires de services.
Un règlement d'administration publique énumère les autres catégories d'établissements qui peuvent bénéficier du droit de donner le repos hebdomadaire par roulement.

Art. L. 221-10.- Sont également admises de droit à donner le repos hebdomadaire par roulement :
1o Les industries où sont mises en oeuvre les matières susceptibles d'altération très rapide ;
2o Les industries dans lesquelles toute interruption de travail entraînerait la perte ou la dépréciation du produit en cours de fabrication ;
3o (L. no 93-1313, 20 déc. 1993 ; L. no 2003-721, 1er août 2003, art. 19, 2o) Les industries ou les entreprises industrielles dans lesquelles une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou accord d'entreprise prévoit la possibilité d'organiser le travail de façon continue pour des raisons économiques. À défaut de convention ou d'accord collectif étendu ou de convention ou d'accord d'entreprise, un décret en Conseil d'État peut prévoir les conditions dans lesquelles la dérogation prévue au premier alinéa peut être accordée. « Les dispositions du présent alinéa s'appliquent aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, par dérogation à l'article 105 (a) et au premier alinéa de l'article 105 (b) du code professionnel local. »
Un décret en Conseil d'État fixe la nomenclature des industries comprises dans les deux premières catégories ci-dessus définies.


Si vous avez eu la patience de tout lire alors je vous dis : bravo ! Vous conviendrez avec moi que nous sommes très loin d'une réglementation rigide au point de se demander si le repos dominical reste encore la référence. Apparemment ces aménagements de la règle ne sont pas suffisants pour le gouvernement.


J'ai été profondément irrité par un ticket qui m'a été donné il y a quelque temps.

Ticket_Carrefour

Cet hyper-marché me propose un escompte de 10 euros. C'est plutôt gentil même si cela signifie que la marge que fait le magasin est assez confortable. Cependant, il y a des conditions. Faire des achats pour au moins 100 euros. C'est assez classique. Ce qui l'est moins est que cet escompte n'est valable que si je viens le dimanche 14 décembre dans le magasin. Ce ticket me donne le sentiment que l'on essaie de m'acheter. C'est très désagréable.

Je ne suis pas allé dans cette grande surface car je pense que c'est un piège. En effet, si je commence à prendre l'habitude de faire mes courses le dimanche alors cela sera fini du repos dominical dans le commerce. Or, si tous les magasins sont ouverts tous les dimanche alors mon employeur va me demander de venir dans son entreprise le samedi pour travailler lorsqu'il s'agira d'honorer un contrat où les délais sont tendus. A mes réticences vis à vis du besoin de faire mes courses, il pourra me répondre que je n'ai qu'à les faire le dimanche. Il pourra aussi me dire que je suis encore avantagé car il ne me demande pas de travailler le dimanche.


Travailler pour vivre : OUI ! Vivre pour travailler : NON !


Cet article est dédié à une de mes grandes tantes qui tenait une quincaillerie et qui s'est battue pour le repos dominical. Même si celui-ci a été mis dans le code du travail en 1906, nos aieüls ont déjà été obligés de défendre ce droit qui correspond à l'intérêt général de la société car il répond à un besoin fondamental d'équilibre de l'être humain dans ses différentes dimensions de la vie. Ne l'abandonnons pas à des gens qui ne voient l'être humain qu'au travers de sa dimension économique.

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