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Cisseron
29 août 2009

Promenade dans la Rome baroque

Depuis un an que j'attendais ce moment. Et je te renvoie enfin ... Rome.

Alors, on commence doucement avec un petit peu de baroque.

Venez ! Suivez le guide. Je vous emmène dans une ville que j'adore.

Auparavant, vous pouvez lire ce que j'ai écrit l'année dernière sur cette ville.

Santa Maria della Vittoria

Cette église qui se trouve sur la via XX settembre qui remonte la Quirinal, la colline la plus haute de Rome, a été construite au tout début du 17ème siècle par Carlo Maderno, un des architectes du baroque à qui on doit la façade de la basilique saint Pierre au Vatican. D'abord consacrée à Paul, l'église pris son nom actuel en 1622, après avoir reçu une image de Marie, à laquelle avait été attribuée la victoire catholique de la Montagne Blanche près de Prague (1620) [1].

Le fait de dire qu'elle marque l'apogée du baroque en Italie peut surprendre quand on se trouve à l'extérieur car la façade manque d'audace. Mais quand on y rentre ... on change d'avis. Alors suivez-moi !

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Je vous invite à lever la tête pour admirer les fresques de la voûte (toute blanche à l'origine). On y observe une scène représentant une Vierge triomphant sur les hérésies, ainsi que son assomption [1].

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Cependant, ce qui est le plus remarquable dans cette église est la première chapelle qui se trouve sur le côté gauche. Il s'agit de la chapelle Cornaro, du nom de famille noble vénitienne qui a financé les travaux et qui, en contre-partie, eut le droit d'avoir une chambre funéraire familiale en cet endroit. Il est vrai que les travaux qui s'étalèrent entre 1646 et 1652 (soit juste un an avant le décès de son commanditaire, le cardinal Federico Cornaro) coutèrent tout de même 12000 écus, ce qui a l'époque n'était pas une bagatelle [2].

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La conception et la réalisation furent confiés au Bernin. L'artiste qui avait déjà pu exprimer ses talents dans la basilique saint Pierre trouve ici l'occasion d'aller encore plus loin en réunissant architecture, sculpture, décoration et peinture pour créer le ravissement du fidèle qui vient se recueillir.

Le thème choisi par le commanditaire est l'extase de Sainte Thérèse d'Avila.

Thérèse d'Avila (Espagne), née en 1515 et morte 1582, fut une grande réformatrice des couvents de femmes (les Carmes) et exprima avec force dans des écrits l'idéal de la vie monastique. Elle laissa aussi plusieurs écrits à portée mystique comme les Chemins de perfection ou les pensées sur l'Amour de Dieu [3].

Prenez le temps d'apprécier l'impression de souplesse communiquée par le travail du marbre : les vêtements de Thérèse et de l'ange, les nuages. Appréciez aussi la mise en scène réalisée le métal doré qui en conduisant la lumière de la fenêtre (cachée par la partie supérieure du baldaquin) donne le sentiment à l'observateur de la descente de l'Esprit-Saint symbolisée par les rayons du soleil.

Le_Bernin_Sainte_Th_r_se_en_extase

Mais la mise en scène va plus loin. Si vous prenez un peu de recul tout en vous décalant par rapport à l'axe central de la chapelle alors vous pouvez voir simultanément le groupe sculpté central et les murs latéraux de la chapelle où apparaissent derrière un ornement qui fait penser à une loge de théâtre des membres de la famille Cornaro.

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La statue de Thérèse réalisée par le Bernin n'est pas fidèle à l'aspect physique de la sainte femme. Pour s'en convaincre, on peut voir le portrait fait par Rubens ou lire ce qu'écrivait son confesseur, Francisco de Rivera, à propos de son aspect physique [2] : "Elle était de bonne stature, et au temps de sa jeunesse, belle, et encore au temps de sa vieillesse, elle supportait bien sa fatigue, le corps épais et très blanc, le visage rond et plein, de bonne taille et proportion [...]". Selon l'anecdote rapportée dans le guide du Routard [4], le génial sculpteur aurait pris comme modèle ... sa petite amie. Comme l'artiste était marié au moment des travaux (avec Caterina Tezio), nous allons supposer que la dite petite amie était sa femme. C'est le moins que l'on puisse faire dans un lieu tenu par une religion qui fait la promotion de la fidélité dans le mariage !

Cependant, on peut alors se demander si l'artiste en contemplant son œuvre pensait vraiment à ce qu'écrivait Thérèse d'Avila au sujet de son extase : "la douleur fut si grande que je criai à pleine voix ; mais en même temps, je sentis une douceur tellement infinie que je souhaitai que la douleur durât éternellement [...]". [5]. A chacun d'en juger.

Je vous laisse encore cinq minutes pour apprécier l'intérieur de cette église en vous attendant dehors.

Suivre ensuite la via Barberini.

La fontaine du Triton

A partir du 13ème siècle, les collines de Rome se repeuplent. Sur les pentes du Quirinal, les papes de la Renaissance font construire des routes et leur résidence d'été : le palais du Quirinal. Pour alimenter en eau ce nouveau quartier de Rome, Sixte Quint fit remettre en service l'antique aqueduc de l'Acqua Felice [6]. La fontaine que vous voyez sur cette place, la place Barberini, est le résultat d'une dérivation de cet aqueduc [7].

Cette fontaine a été réalisée par le Bernin en 1642-1643 [5]. La statue est celle d'un triton qui souffle dans un buccin comme pour annoncer le retour de l'eau dans ce nouveau quartier [7].

Le blason qui est entrelacé avec les queues des dauphins est celui des Barberini, reconnaissable aux abeilles qui sont le symbole de cette famille. Ils seraient aussi des symboles de la providence divine (Tetius) [5].

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Après avoir fait les photographies d'usage, je vous invite à prendre la via di Quattro Fontana.

Palazzo Barberini

Au début du 17ème siècle, la campagne occupait encore les hauteurs du Quirinal et de riches familles avaient leur résidence secondaire.

En 1622, la vieille villa Sforza et le petit vignoble qui l'entourait furent achetés par la famille Barberini.

Séduit par le courant baroque, le cardinal Maffeo Barberini confia les travaux de restauration de la villa à l'architecte Carlo Maderno qui est l'un des premiers architecte baroque.

Durant les travaux, les besoins évoluèrent car le cardinal était devenu pape (Urbain VIII) : la famille avait maintenant besoin d'un palais qui assurent à la fois les fonctions d'habitation et de représentation. Compte tenu de la conformation du terrain qui empêchait de faire un palais d'un seul bloc comme le palais des Farnèse, Carlo Maderno opta pour la forme originale du H [7].

Carlo Maderno décéda avant la fin des travaux. Francesco Borromini qui avait déjà travaillé à certaines parties du projet espérait lui succéder. Hélas pour lui, la direction des travaux fut confier à Bernini.

Les deux hommes travaillèrent ensemble durant deux ans. Le Bernin acheva ensuite seul le palais.

La façade du corps central est du Bernin. L'évidement du porche au rez de chaussée et le triple niveau d'arcades, qui n'est pas sans rappeler le Colisée, communiquent au visiteur du palais des sentiments d'ampleur et de solennité [1].

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La contribution la plus remarquable de Borromini est l'escalier en colimaçon de l'aile droite du palais à cause de son élégance [7].

Un autre grand nom du baroque romain a été mis à contribution. Il s'agit de Pierre de Cortone qui réalisa l'immense fresque du salon principal où l'exaltation d'un pape et de sa famille atteint un niveau exceptionnel grâce aux canons de l'art baroque.

Cette fresque est appelée "Le triomphe de la divine Providence". Il s'agit d'une allégorie où la divine providence triomphe du Temps et désigne l'emblème des Barberini à l'Immortalité [6].

Immortalite_Barberini_Pierre_de_Cortone

Le palais - qui a été acquis par la République italienne en 1949 - abrite maintenant la Galerie Nationale d'Art Antique. On y trouve quelques chefs-d'oeuvre comme la Fornarina de Raphaël, le portrait d'Henri VIII de Hans Holbein le Jeune ou le portrait d'Erasme de Quentin Metsys [1].

Vous trouverez aussi le violent tableau du Caravage, autre artiste du baroque, appelé "Judith et Holopherne" montrant la dite Judith plongeant avec calme et détermination une épée dans la gorge de Holopherne afin de le décapiter.

Je vous propose de continuer à remonter la via delle Quattro Fontane

Carrefour des Quatre Fontaines

Vous êtes maintenant au point culminant de la colline du Quirinal.

Via_Quattro_Fontane

La réurbanisation de la colline à la fin du 16ème siècle a été l'occasion pour le pape Sixte Quint de faire percer quatre rues rectilignes qui se rencontrent à ce carrefour appelé "Quatre Fontaines" en raison des fontaines qui en décorent les coins. Ces fontaines sont alimentés par l'Acqua Felice [6].

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Ce carrefour offre au visiteur un petit festival de géométrie. Jugez-en plutôt.

Les pans des édifices situés aux angles de ce carrefour suggèrent un losange dont les diagonales sont les quatre rues.

Au centre de ce carrefour, on voit trois obélisques formant un triangle [1]. De part et d'autre de la via delle Quattro Fontane nous avons : à l'ouest, l'obélisque de la Trinité-des-Monts, et à l'est celui de la place de l'Esquilin. Perpendiculairement à cet axe nous avons au sud, à l'extrémité de la via del Quirinal, l'obélisque de la place du Quirinal (qui fut élevé au 18ème siècle [6]).

A l'angle sud-est du carrefour se trouve une petite église construite par Francesco Borrimini. Officiellement, elle est dédiée à saint Charles Borromée mais en raison de son adjacence avec le carrefour des Quatre Fontaines, les romains l'appellent San Carlo alle Quattro Fontane ou la surnomment même, San Carlino, en raison de sa petite taille.

Ô français : prenez garde à ne pas confondre avec Carlitto, surnom donné par un journal satyrique à un président de la République en raison de sa petite taille et de son attachement à une belle italienne du nom de Carla !

Cette église a été conçue par Borromini. Il débuta les travaux en 1638, mais il se suicida en 1667 avant d'achever la façade [1] [6]. On notera l'originalité de celle-ci (achevée en 1685 [6]) qui en alternant ligne concave et ligne convexe suggère un mouvement d'ondulation.

Facade_San_Carlo_delle_Quattro_Fontane

Si vous avez aimé le petit festival de géométrie du carrefour des Quatre Fontaines alors vous adorerez celui offert par l'intérieur de l'édifice où se mêlent et se conjuguent plan elliptique, croix grecque et octogone.

Eglise_san_carlo_quatro_fontane

Vous remarquerez aussi l'absence de décorations de marbre et de peinture, contrairement à l'église santa Maria della Vittoria que nous venons de visiter. Ici le ravissement est beaucoup plus cérébral car l'artiste s'appuie sur un jeu rigoureux de lignes d'architecture qu'il brise et courbe [1]. Un des reproches qu'il faisait à Bernini était que ce dernier utilisait trop les effets d'exubérance [1].

Les passionnés de baroque pourront ensuite visiter l'église saint André du Quirinal (descendre la via del Quirinial), construite elle-aussi sur un plan elliptique, entre 1658 et 1678 [1], mais par le Bernin, soumis comme Borromini à la contrainte de l'exiguïté du terrain [6].

Ils pourront ainsi comparer les deux artistes et choisir celui qui leur semble être le plus bel édifice.

Références

[1] Guide Vert Michelin consacré à Rome - Dépot légal 01-2008 - ISSN 0293-9436 - page 296

[2] Transverbération de Sainte Thérèse - article de Wikipédia

[3] Thérèse d'Avila - article de Wikipédia

[4] Le guide du Routard - Hachette - Dépôt légal 09-2007 - ISBN 978-2-01-244146-0 - page 211

[5] Bernin - Le sculpteur du baroque romain - Rudolf Wittkower - Dépôt légal 06-2005 - ISBN 978-0-7148-9432-4

[6] Rome - Guides Gallimard - Dépôt légal 03-1996 - ISBN 2-7424-0196-2

[7] L'art de Rome - Marco Bussagli - Dépôt légal 2006 - ISBN 978-2-84-459-148-7

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