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Cisseron
11 août 2008

De la piazza Navona au Trastevere

Le titre donné à cet article vient du fait que cette promenade a commencé vers 17 h après les visites guidées consacrées à la Rome antique et à la Rome baroque. Le point de départ de cette promenade est la piazza San Pantaleo, en bordure du Corso Vittorio Emanuele II qui est l'artère principale du centre historique de la ville de Rome. Au bout de cette petite place, se trouve le palazzo Braschi qui abrite le museo di Roma qui retrace l'histoire de Rome depuis le Moyen-Age.

Si vous n'êtes pas encore épuisés par  mes articles précédents de ce jour alors je vous propose de m'accompagner. Suivez le guide ! En l'absence de ma guide conférencière, Roberta, les informations que je vous donne sont issues du guide du Routard et du guide Vert Michelin. Vous trouverez certains liens avec Wikipedia si vous souhaitez approfondir un personnage, un monument ou une institution cités dans cette promenade.

Tout d'abord, il faut traverser le Corso Vittorio Emanuele II et marcher en direction du palais Farnèse qui accueille l'ambassade de France, en laissant sur votre droite le pallazo della Cancelleria (palais de la Chancellerie).

Sur le chemin, arrêtez vous sur cette grande place rectangulaire (profitez-en pour faire provision d'eau fraîche car il fait encore chaud en cette fin d'après-midi du mois d'août) qui s'appelle le Campo dei Fiori, le champ des Fleurs. Sur cette place, se tient un marché très pittoresque où on trouvent des légumes typiquement romains et de magnifiques fleurs. Après la fermeture du marché, les comptoirs de fleurs restent ouverts jusqu'en fin d'après-midi et offrent un spectacle multicolore. Je n'ai pas pu vérifier par moi-même ce que dit le guide Vert. Sans doute parce que l'activité de cette place est ralentie lors de cette première quinzaine du mois d'août, les romains étant comme beaucoup de monde en vacances ... mais ailleurs.

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La place est dominée par une statue représentant un personnage un peu sinistre à cause de la capuche qui lui masque le visage. Il s'agit de la statue de Giordano Bruno, moine qui fut déclaré hérétique par l'Inquisition (à cause de sa vision de l'univers qu'il voyait comme infini et peuplé d'une quantité innombrable de mondes identiques au nôtre). Il fut brûlé vif en cette place (qui fut aussi un lieu d'exécutions), en 1600. Sans savoir si il y a un lien de cause à effet par rapport à ces évènements, il faut tout de même remarquer qu'il n'y a pas d'église sur cette grande place ce qui est assez rare dans cette ville qui est le siège du Catholicisme. Je vous invite à poursuivre votre marche en continuant de suivre la via dei Baullari (la voie des fabricants de malles qui se dit bauli en italien).

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Voici donc le palazzo Farnese qui est un des plus important palais de la Renaissance à Rome et qui abrite l'ambassade de France (dès 1635, des ambassadeurs du royaume de France ont logé dans ce palais). Depuis 1936, il fait l'objet d'un bail emphytéotique entre la République française et la République italienne : le palais est loué pour une somme dérisoire (un euro !) à la France pour une période irréductible de 99 ans, à charge pour la France d'entretenir voire de mettre en valeur le bien immobilier. La même convention existe pour l'hôtel particulier qui abrite l'ambassade d'Italie à Paris.

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Ce palais est réputé pour sa qualité architecturale (Michel-Ange y a participé) et pour ses décorations. Le blason qui se trouve au-dessus du balcon central (voir photo ci-dessus) est orné de fleurs d'iris (à ne pas confondre avec le lys de la France), il s'agit du blason de la famille Farnèse dont le pape Paul III (instigateur du concile de Trente) est issu et qui fut le commanditaire de l'ouvrage.

Le palais se visite mais sur rendez-vous, les lundi et jeudi. Dommage pour aujourd'hui car il est trop tard. Mais pensez à réserver pour une prochaine fois (surtout si vous avez le voeux de revenir dans cette belle ville quand vous avez jeté une pièce dans la fontaine de Trevi).

Je le ferai car les quelques images que j'ai vu de la galerie Carrache, située au premier étage, me donne une très grande envie de visiter le palais. Pour présenter cette galerie en quelques mots, celle-ci était à l'origine destinée à accueillir les statues antiques collectionnées par les Farnèse (qui se trouvent aujourd'hui au Musée archéologique de Naples et au Palais royal de Capodimonte). Annibal Carrache compléta ce musée par une galerie de tableaux peints en trompe-l'oeuil. Les fresques sont inspirées des "Métamorphoses d'Ovide".

Pour plus de détails sur ce palais, allez sur le portail du site de l'ambassade. Vous trouverez dans la rubrique "Visiter le Palais Farnèse" les informations pratiques pour réserver. A noter qu'il y aura bientôt sur le site de l'ambassade, une visite virtuelle du palais.

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Pour l'instant, je vous invite à prendre la ruelle qui se trouve à gauche du palais. Au passage, vous verrez sur le pignon de l'immeuble voisin un médaillon où est représentée une Vierge à l'Enfant (voir photo ci-dessus). Chez les catholiques, Marie fait l'objet d'une dévotion nettement plus grande que celle vouée aux autres saints et saintes de l'Eglise de Rome. Henri Tincq, dans son ouvrage "Les catholiques", paru chez Grasset au printemps 2008, dit que la mère de Jésus est invoquée depuis des siècles, dans un mélange de religiosité et de superstition, contre la maladie, les détresses de la vie, les catastrophes naturelles ...

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Au bout de cette petite ruelle, vous arriverez dans une rue très calme, la via Giulia (où se trouve le consulat français, adresse utile en cas de soucis genre perte ou vol de papiers d'identité) qui ne manque pas d'élégance. Cette longue rue droite et pavée relie l'église San Giovanni dei Fiorentini (c'est dans cette direction que la photo ci-avant a été prise) jusqu'au pont Sisto où je vous convie à vous rendre tout à l'heure.

Le pont qui enjambe la via Giulia s'appelle le Passeto Farnese. Il relie le palais Farnèse à un ensemble de pièces annexes où les Farnèse déposaient leurs collections d'antiquités, ainsi qu'au couvent de l'église Santa Maria della Morte.

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Pour l'instant, je vous conseille de continuer à faire le tour du palais Farnèse afin d'admirer la cour intérieure (voir photo ci-dessus). Certes le jardin peut vous paraître petit compte tenu de la majesté de l'édifice mais il ne faut pas être trop exigeant, quand même ! Allez, faîte demi-tour et marchez en direction du pont Sisto.

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Vous avez soif ? Alors profiter de la bonne eau fraîche de cette fontaine (voir photo ci-avant). Sur le chemin, veillez à ne pas vous querellez. Le 20 août 1662, trois français qui se dirigeaient vers le pont Sisto se sont disputés avec des soldats corses de la garde pontificale. Les hommes en sont venus aux mains et le pugilat causa la mort d'un soldat de la garde pontificale et d'un laquais qui accompagnait la voiture de l'épouse de l'ambassadeur. Ce fait divers se transforma en incident diplomatique.

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Sur le pont Sisto, jeter un coup d'oeuil à gauche et à droite pour admirer le Tibre (photo ci-dessus, le pont qui est fond est le pont Mazzini).

Une fois arrivé de l'autre côté, vous noterez un changement d'ambiance : ce n'est plus celle du centre-ville historique où beaucoup de zones semi-piétonnes permettent aux touristes de flâner. Le boulevard devant lequel vous vous trouvez contribue beaucoup à ce changement d'ambiance, à cause de la circulation automibile qui est dense. Vous n'avez plus l'impression d'être dans une ville exceptionelle mais simplement dans une grande ville occidentale ordinaire. Pourtant, je vous encourage à traverser ce boulevard et à vous rendre sur la place qui se trouve en face du pont Sisto : la piazza Trilussa (pseudonyme d'un écrivain italien mort en 1950 apprécié pour ses poèmes populaires). Sur cette place se dresse une fontaine monumentale commandée par le pontificis maximus (c'est ainsi que l'on appelle le pape) Paul V. Notez que vous avez un point commun avec ce monument : lui aussi a traversé le Tibre, au 19ème siècle, lorsque furent aménagés les bords du Tibre car auparavent le monument se trouvait du côté de la rive gauche, au début de la via Giulia.

Savez-vous ce que signifie "Trastevere" qui est le nom de ce secteur administratif de Rome devant vous ? Trastevere vient du latin "Trans Tiberim" qui veut dire "au-delà du Tibre". A l'origine, ce secteur administratif ne faisait pas partie du territoire de Rome et marquait le début du pays Etrusque. Du temps de la République romaine, il était peuplé de juifs et de Syriens et fut incorporé à Rome par Auguste en devenant la quatorzième région administrative de la ville, au même titre que la colline du Janicule qui domine le quartier et la coline du Vatican. Cependant, il faudra attendre le 3ème siècle après J.C. et l'édification du mur d'Aurélien pour que le quartier soit totalement intégré à Rome.

Dès l'origine, ce quartier était populaire et les vilaines masures faisaient contraste avec les riches demeures de la rive gauche. Cependant, depuis quelques années, (prix de l'immobilier ?), le quartier attire de nouveaux résidents, italiens ou étrangers, plus aisés. Pour ceux qui connaissent Paris, on peut faire un parallèle avec le faubourg Saint-Antoine du 11ème arrondissement qui naguère était habité par les couches populaires de la société et qui est maintenant investi par les bourgeois-bohèmes ("Bobos").

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Je vous invite à vous perdre dans le dédale de ces petites rues pour apprécier le charme de ce quartier tranquille. Si vous avez du courage alors faite la montée du Janicule (voir photo ci-dessus) en remontant la via Garibaldi. Entrez dans le parco Gianicolense par la porta San Pancrazio. Après 250 m de marche vous arriverez sur un belvédère où trône une statue de Giuseppe Garibaldi et qui offre une très belle vue sur Rome. Janicule vient de Janus, dieu auquel la colline était consacrée.

Sinon, je vous invite à vous rendre sur la piazza Santa Maria in Trastevere. L'endroit est accueillant et je vous engage à vous installer à la table d'un café et demander une boisson rafraîchissante tout en admirant la place.

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Si vous vous êtes installés sur la même terrasse que moi alors vous voyez (voir photo ci-avant) en face de vous le palais de S. Callisto et sur votre droite vous avez la Basilica di Santa Maria in Trastevere.

Il y a deux mille ans, en 38 av. J.-C. très exactement, une source d'huile, la fons olei, surgit à l'emplacement actuel de la basilique et s'écoula durant une journée. Plus tard, les chrétiens interprétèrent ce prodige comme une annonce de la venue du Messie. Un sanctuaire aurait été construit par le pape Calixte au début du 3ème siècle mais il n'y a pas de preuve formelle. Par contre, il est certain qu'une première basilique fut édifiée par le pape Jules 1er au 4ème siècle.

Ce n'est pas le surgissement d'une huile provenant de la terre qui était en soi extraordinaire pour les romains car le pétrole, du latin petra (pierre) et oleum (huile) était connu dans l'Antiquité et avait différentes utilisations : cataplasme pour soigner les plaies, combustible pour les lampes à huile, calfatage des coques de bateau. Mais le lieu car dans l'Antiquité c'était au Moyen-Orient que l'on trouvait des afleurements naturels de pétrole. Il est aussi trouvé de façon accidentelle quand les gens creusaient des puits pour trouver de l'eau potable ou de la saumure.

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La basilique actuelle et le clocher datent du 12ème siècle (voir dessin ci-avant).

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Au centre de la mosaïque qui orne la façade, il y a une Vierge à l'Enfant (voir photo ci-dessus), à qui est dédiée la basilique ; de part et d'autre un cortège de femmes qui viennent honorer la Vierge et l'Enfant. Au-dessus de la mosaïque, on voit encore les vestiges d'une scène peinte. Les statues sont de style baroque et ont été placées aux 17ème et 18ème siècles; elles représentent des saints.

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La mosaïque qui décore l'abside est de tout premier ordre (voir photo ci-dessus). Au dessus de l'arc triomphale, il y a un médaillon dans lequel se trouve une croix avec les lettres A et oméga ("je suis l'alpha et l'oméga") qui est le symbole de l'éternité de Dieu.

On voit aussi sous l'arc triomphal les deux lettres grecques, X (chi) et R (ro), entrecroisées qui constituent les premières lettres du nom grec Christos (Christ). Il s'agit du monogramme constantinien. C'est un symbole paléochrétien car il a été surtout utilisé durant l'époque de l'empereur Constantin (312-337). Il se réfère aux paroles du Christ "Avec ce signe tu vaincras" qui se serait adressées à Constantin, par l'intermédiaire d'un songe, à la veille de son affrontement avec la garde prétorienne de son rival Maxence.

Au sommet du baldaquin, la croix qui est posée sur une sphère est le symbole du Christ sauvant le monde, à cause du sacrifice de sa personne sur la croix.

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La mosaïque a été réalisée au 12ème siècle. On constate que l'influence byzantine marque encore l'art de la mosaïque à Rome, un siècle après la séparation entre l'Église de Rome et l'Église de Constantinople (schisme de 1054). Pour preuve, Marie est parée d'or comme une impératrice byzantine. On remarquera la présence d'une main tenant une couronne au dessus de la tête de Jésus, il s'agit de la main de Dieu.

A la gauche de Jésus, il y a Pierre "Petrus", premier pape de l'Eglise de Rome. A la gauche de Pierre est représenté respectivement le pape Corneille, le pape Jules (visible partiellement sur la photo ci-dessus, en totalité sur la photo d'avant) et Calépode (voir la photo d'avant). A la droite de Jésus, il y a le pape Calixte. Saint Laurant et le pape Innocent II (les deux derniers personnages sont visibles sur la photo d'avant). Des reliques de Corneille, Calixte et Calépode ont été mis dans une crypte construite au 9ème siècle sur ordre du pape Grégoire V.

En bas de la mosaïque, des agneaux ont été représentés. Ils s'agit des apôtres tournés vers l'Agneau de Dieu (reconnaissable à son auréole) et sortant des cités de Bethléem (où est né Jésus) et de Jérusalem (où il fut crucifié).

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De droite de la photo, nous voyons dans l'abside la représentation du pape Innocent II qui a fait construire la basilique du 12ème siècle. Si on déplace le regard vers la gauche alors on voit une mosaïque du 12ème siècle qui orne l'arc triomphal où le prophète Isaïe est représenté (de l'autre côte de l'arc, c'est le prophète Jérémie). La base de l'arc triomphal est également ornée d'une mosaïque mais datant de la fin du 13ème siècle, réalisée par Pietro Cavallini, illustrant une scène de la vie de la Vierge.

A gauche de l'arc triomphale, on fait un saut dans le temps car on voit l'entrée de la chapelle Altemps qui avec ses stucs et ses fresques est un exemple de l'art baroque favorisée par la Contre-Réforme (encore appelée Réforme catholique), à partir de la fin du 16ème siècle. Face à la Réforme protestante qui prônait la simplicité du culte, le refus des images et la suprématie des Saintes Écritures, l'Église de Rome réagissait dans ses lieux de culte par la surabondance des images, la puissance émotive des statues, le vertige des plafonds peints, la surcharge des ornements dans la nef, le chatoiement des marbres et le prestige de l'or (D. Fernandez, Le Banquet des Anges, Plon, 1984).

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Au premier plan de la photo ci-dessus, on voit que l'autel est placé en dessous d'un baldaquin à colonnes corinthienne de porphyre . A droite, sous le podium de l'autel (non visible sur la photo) une inscription rappelle le prodige de la fons olei. Au fond de l'abside, on devine le siège épiscopal. Au-dessus de ce siège, il y a une mosaïque où un médaillon de la Vierge à l'Enfant est entouré de Pierre et de Paul, les fondateurs de l'Eglise de Rome. Il y a aussi du côté droit, un personnage représenté en plus petit : il s'agit du cardinal Stefaneschi commanditaire de l'ouvrage.

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Avant de repartir, n'oubliez pas de jeter un coup d'oeuil sur le sol cosmatesque de la basilique (voir photo ci-avant). Pour d'autres images de cette remarquable basilique, vous pouvez aller sur le portail de Rome Passion.

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La fontaine au centre de la place (voir photo ci-dessus) a été remaniée par le Bernin.

La visite de cette fin de journée s'arrête ici, j'espère qu'elle vous a plu.

Pour la soirée, vous pouvez soit rester dans le Trastevere et attendre que les restaurants commencent à se remplir (vers 21 h en été), ou bien repartir vers le centre historique de Rome. Dans ce cas, je peux vous conseiller l'adresse d'un petit restaurant situé près de la place Navona : Mimi E Coco, 72 via del Governo Vecchio.

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Et je ne saurais trop vous pousser à goûter la glace au chocolat mélangé avec du piment (voir photo ci-dessus. L'exagération du constraste gustatif est surprenant au début mais cela procure un festival de sensations pour le palet. Finalement, le baroque peut se retrouver aussi dans l'art culinaire !

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