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Cisseron
9 juillet 2008

Le projet de loi « Démocratie sociale et temps de travail »

Je reviens sur la déclaration du ministre du Travail, Xavier Bertrand qui, après le vote de l’amendement parlementaire,  le 7 juillet, tentait d’endormir l’opinion public en disant que : "Les plafonds évoqués sont des maxima. Si des jours fériés sont chômés, ils le demeureront. Ca ne sert à rien de chercher à faire peur."

Il est faux de dire que les travailleurs salariés disposent d’une marge de manœuvre pour négocier quand la technologie permet de produire d’avantage avec de moins en moins de personnes et que l’employeur dispose de l’arme ultime de la délocalisation pour faire plier ses employés.

Ensuite, petit détail qui a son importance, les plafonds évoqués dans l’amendement sont des maximas qui seront appliqués à défaut d’accord collectif entre l’entreprise et les représentants des salariés. L’employeur va donc pouvoir faire ce qu’il veut en matière de temps de travail. Enfin presque car il convient de noter que cet amendement est une modération du projet de loi « Démocratie sociale et temps de travail » déposé par le gouvernement.

En effet, voici l’analyse que faisait le député PS Dominique Raimbourg, le 2 juillet, sur ce projet de loi (disponible sur son site Internet http://www.dominiqueraimbourg.fr) :

« […]

La conclusion des conventions individuelles de forfait en jour ou en heures sur l’année sera définie principalement par accord d’entreprise.

Ainsi, les forfaits annuels en jours seront réservés aux cadres considérés comme autonomes et aux salariés dont la durée de travail ne peut pas être déterminée et qui disposent d’une réelle autonomie. La durée maximale de 48 heures par semaine n’est pas applicable à ces salariés. Ils ne seront protégés que par la durée de 11 heures de repos consécutifs par 24 heures, le repos hebdomadaire et les congés payés.

Le forfait fixé par la loi à 218 jours pourra, à défaut d’accord d’entreprise, atteindre jusqu’à 280 jours par an (NdA : 280 j = 365 j – 52 jours de repos hebdomadaire – 9 jours ouvrables fériés - 24 jours ouvrables de congé payé ; le projet de loi prévoit une rémunération forfaitaire majorée d’au moins 10 % à partir du 219ème jour).

Ces salariés pourront travailler 280 jours, 6 jours sur 7, jusqu’à 13 heures par jour dans la seule limite de 60 à 65 heures par semaine, en cas d’adoption de la nouvelle directive sur le temps de travail que viennent d’approuver les ministres européens (NdA : notamment le ministre français Xavier Bertrand, sachant que son prédécesseur s'était toujours opposé à la demande britannique de relever le plafond du temps de travail qui est, pour l'instant, fixé à 48 heures hebdomadaires) .

De même les forfaits annuels en heures seront ouverts à tous les salariés disposant d’une autonomie dans leur emploi du temps.

Là aussi, ces salariés pourront être obligés de travailler jusqu’à 60 à 65 heures par semaines, en cas d’adoption de la nouvelle directive européenne. »

Alors que pensez de cette « avancée » sociale, votée le 7 juillet dernier par les députés UMP-NC ?

Voici un extrait des commentaires de Bernard Van Craeynest, président de la CFE-CGC, syndicat des cadres (propos recueillis par François Vignal dans Liberation.fr, le 8 juillet).

Le patron pourra-t-il imposer le plafond de 235 jours ?

Il pourra dire qu’il a la loi avec lui. C‘est d’autant plus scandaleux que le gouvernement a récemment souligné le problème de la santé au travail, des risques psycho-sociaux. Le législateur doit être protecteur, notamment pour la santé au travail. Or le gouvernement fait l’inverse de ce qu’il dit. Il permet les conditions pour altérer la santé des salariés.

Les salariés des entreprises moyennes ou grandes, où les accords d’entreprise seront plus faciles, sont-ils pour autant protégés ?

Jusqu’à présent, avec le plafond à 218 jours par an, il y a eu des accords en dessous du plafond. Mais là, avec un plafond de 235 jours, les négociations ne viseront pas à maintenir les 218 jours, mais pourront amener à porter le plafond à 220 ou 225 jours. Encore faut-il qu’il y ait un accord collectif d’entreprise. Pour cela, il faudra un rapport de force. Là où il existe une capacité à défendre les intérêts des salariés, le patron ne pourra pas faire ce qu’il veut. Mais il pourra dire aussi in fine, «si vous n’acceptez pas de travailler plus, je délocalise, je diminue l’activité sur le site.»

Le texte doit encore passer devant le Sénat. Espérez-vous une modification ?

Nous travaillons auprès des sénateurs. Nous allons voir le rapporteur du texte aujourd’hui pour lui faire comprendre notre position. Nous constatons que le Sénat a su se montrer plus raisonnable que les députés ces derniers temps. Mais il y a eu une déclaration d’urgence, c’est-à-dire qu’après le passage au Sénat, et un éventuel passe en commission mixte paritaire en cas de désaccord, la loi sera adoptée. Si le texte définitif reste en l’état, nous déposerons un recours auprès de la Cour de justice des communautés européennes.

Voici quelques précisions sur les possibilités de recours auprès de la Cour de justice des communautés européennes et ses enjeux.

Le projet de loi accorde la priorité à l’accord d’entreprise. Il ne sera donc plus possible aux salariés de bénéficier de dispositions plus favorables d’un accord de branche. Les règles d’organisation du travail (organisation du temps de travail, paiement des heures supplémentaires, repos compensateur, …) vont devenir spécifiques à chaque entreprise d’une même branche et un objet de concurrence entre elles. Le marché de l’emploi étant défavorable aux salariés, cette logique va conduire inévitablement à un nivellement par le bas des conditions de travail.

L’analyse faite par Dominique Raimbourg dans sa note du 3 juillet dernier sur la jurisprudence de la Cour de Justice Européenne ne permet pas d’être optimiste : si la loi donne la possibilité aux entreprises de déroger aux accords de branche alors elles perdront leur caractère d’application générale et elles ne seront plus opposables à un sous-traitant d’un autre état membre mettant à disposition du personnel pour réaliser une prestation sur le sol français. Le dumping social entre entreprises françaises et aussi avec les entreprises des autres pays de l’union européenne va donc être considérablement renforcé avec ce projet de loi.

Par ces quelques explications, j’espère que vous apprécierez à sa juste valeur le grand élan de générosité des députés UMP+NC qui est à l’origine de cet amendement.

Notez que le 15 septembre 1955, les salariés de la régie Renault ont obtenu la troisième semaine de congé payé. Ils avaient donc 15 jours ouvrés de congé payé + 11 jours fériés + 104 jours de week-end pour se reposer, c'est à dire qu'ils ne travailleraient plus que 235 jours dans l'année.

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Commentaires
Z
Bonjour,<br /> J'ai du mal à suivre tout le débat actuellement. Est-ce que les dispostions prévues par la convention collective SYNTEC sont concernées par cette modification . Je m'explique, je suis cadre dépendant de la convention SYNTEC, j'ai un accord d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail suite aux 35heures, ce qui me donnaient 10 RTT. Comment savoir si je suis concerné par ce qui a été voté le 7 juillet dernier ?<br /> Merci de votre retour,<br /> Damien
C
Il est vrai qu'il est difficile de suivre le débat quand on a accès uniquement aux commentaires mais pas à l'objet du débat, c'est à dire le projet de loi. J'ai essayé de le retrouver sur Internet mais sans succès. Pour que vous puissiez construire votre propre jugement, je peux vous suggérer d'aller à l'adresse suivante où le ministre du Travail présente son projet de loi : http://www.travail.gouv.fr/actualite-presse/discours/cncc.-projet-loi-portant-renovation-democratie-sociale-reforme-du-temps-travail.-presentation-xavier-bertrand.html<br /> <br /> Pour vous répondre, je dirai d'abord qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi qui va abroger les conventions collectives et contraindre les acteurs sociaux à négocier de nouveaux accords. Ce projet de loi institue une nouvelle dynamique : celle de donner aux entreprises d'augmenter le temps de travail de ses employés. Comment cela va se passer ?<br /> <br /> Prenons l'exemple du secteur des cabinets de conseil et de sociétés d'assistance technique. Au lendemain de la promulgation de la loi, il ne se passera rien. Et puis, un jour, une nouvelle société d'assistance technique va se créer. Elle sera petite et devra se faire une place. Comment va-t-elle faire ? Certainement en offrant un taux horaire inférieur à ses concurrentes et vendre le plus possible d'heures d'étude. Le salaire influe sur le premier facteur tandis que le second va lui permettre d'augmenter son chiffre d'affaire sans avoir besoin de recruter (et éventuellement de rester ainsi sous la barre des 20 salariés afin de ne pas être touché par des contraintes réglementaires qui apparaissent dès que les effectifs dépassent ce seuil). Le projet de loi va permettre à cette nouvelle société d'augmenter le temps de travail de ses salariés et d'avoir ainsi un avantage concurrentiel. Il lui suffira de recueillir la signature de représentants de salariés ayant une certaine légitimité qui reste à définir (voir le lien susmentionné) pour que les dispositions de temps de travail qu'elle propose soient applicables, même si elles ne sont pas conformes à la convention collective. Lorsque la loi sera promulguée, les conventions collectives perdront donc leur caractère obligatoire même si la loi pose le principe d'une validation par une représentation de salariés mais qui reste à définir.<br /> Pour en revenir à cette nouvelle société d'assistance technique, que va-t-il se passer quand ses concurrentes voient qu'elles gagnent des parts de marché et que le ratio chiffre d'affaire / nombre de salariés est supérieur au sien ? Et bien, je pense qu'une d'entre elle va convoquer les représentants de salariés pour expliquer le problème et de proposer à son tour une dérogation à la convention collective. Cela peut se faire à la faveur d'un regroupement avec une autre société.<br /> <br /> J'espère que mes explications ont réussi à vous faire comprendre ce que cache cette nouvelle dynamique et qu'elle concerne TOUT LE MONDE. Ce qui est habile dans ce projet de loi que je trouve défavorable aux salariés est qu'il n'y a rien de spectaculaire pour marquer les gens. Ils ne vont donc pas réagir surtout si ils sont continuellement distraits par les faits et gestes de notre président de la république. Je crains que les choses vont se faire lentement mais surement. En tout cas, je dis bravo monsieur Bertrand. J'espère qu'un jour, la Gauche en prendra de la graine et qu'elle saura instituer une dynamique allant dans le sens inverse et non fonctionner à coup de lois spectaculaires comme la loi Aubry 1.
Z
Bonjour,<br /> J'ai du mal à suivre tout le débat actuellement. Est-ce que les dispostions prévues par la convention collective SYNTEC sont concernées par cette modification . Je m'explique, je suis cadre dépendant de la convention SYNTEC, j'ai un accord d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail suite aux 35heures, ce qui me donnaient 10 RTT. Comment savoir si je suis concerné par ce qui a été voté le 7 juillet dernier ?<br /> Merci de votre retour,<br /> Damien
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