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Cisseron
5 décembre 2007

Une dure vie

Ma famille habite le gouvernorat de Jendouba.

Je suis la cadette d'une famille de cinq enfants (trois filles et deux garçons).

Nous sommes berbères mais nos ancêtres se sont mélangés au point que nous sommes considérés dans notre pays comme des africains ce qui n'est pas un avantage ici, bien au contraire.

Mon père est maçon. Une de ses fiertés est d'avoir acheté un terrain avec l'argent qu'il a gagné en France et d'avoir bâti la maison dans laquelle nous vivons.

Il ramène de l'argent qui nous permet de manger et de nous habiller. Mais après les dépenses indispensables pour vivre, il ne reste pratiquement rien pour les extras. Néanmoins, mon père est fier de pouvoir faire subsister sa famille.

Avant de connaître mon père, ma mère faisait des ménages dans les riches familles de Tunis.

Le mariage n'a pas beaucoup changé les conditions de vie de ma pauvre maman : il y a le ménage, les enfants, les courses, l'éducation, l'école, les corvées, le linge, la vaisselle...

Malgrè cela, ma mère respecte beaucoup mon père. Un jour, elle m'a dit que mon père n'était pas le prince charmant qu'elle attendait mais au moins c'était un homme juste et droit ce qui n'est déjà pas si mal. La seule chose qu'elle aurait voulu, c'est que mon père comprenne que toutes les maternités successives l'épuisaient.

En effet, mon père voulait absolument des garçons or ma mère lui a donné d'abord trois filles. Heureusement, la quatrième naissance fut la bonne car ma mère accoucha de notre premier petit frère. Mes deux soeurs et moi étions contentes de l'arrivée. Ma mère était soulagée d'avoir enfin pû donner un garçon à mon père. Lui était dans un bonheur total. Avec les quelques économies que ma mère avait réussi à mettre de côté en faisant des petits travaux de couture à la maison, il donna une grande fête pour présenter notre petit frère à l'ensemble de la famille.

Après notre premier petit frère, ma mère mis encore au monde un deuxième garçon. C'est l'autre fierté de mon père : avoir deux garçons. Ma mère était contente aussi d'avoir pu réaliser le rêve de son mari et de recevoir de lui toute sa reconnaissance.

Dés qu'elle fut en âge, ma soeur aînée fut rapidement à contribution pour les tâches de la maison et s'occuper de nos deux frères. Puis mon tour est venue afin de soulager ma pauvre soeur aînée car ma mère avait repris son travail de femme de ménage. Ensuite, ma petite soeur a pû m'aider.

Grâce à l'argent de son travail de femme de ménage, ma soeur aînée a pu faire son apprentissage en pâtisserie et avoir son diplôme. L'argent qu'elle gagnait en travaillant dans un grand hôtel et l'argent des ménages de notre mère nous a permis de mieux vivre et de nous acheter des choses qui améliore l'ordinaire. Toutefois, c'était surtout nos petits frères qui en profitaient. A la maison, ils sont traités comme des rois. A table, nous les servons. Ils ont droit aux beaux vêtements. Tout leur est dû !

Ma soeur aînée revenait très peu à la maison. Elle commençait à goûter aux joies de l'indépendance même si son travail ne lui laissait pas beaucoup de loisirs. Mais au moins, elle pouvait sortir avec des copines ou des amis sans que cela n'agace mon père. Quand elle fut en âge de recevoir des demandes en mariage, les longues périodes d'absence commençèrent à inquiéter mon père. Lui et ma mère se mirent en tête de lui chercher un mari. Mon père lui demanda alors de revenir un dimanche sur deux. Puis tous les dimanche. Ma soeur n'était pas d'accord. Il y avait souvent des disputes entre elle et mon père. Elle lui expliquait qu'elle avait besoin de se reposer car le voyage était long et la semaine de travail dure. Mais mon père ne voulait rien savoir.

Un dimanche, mes parents ont présenté à ma soeur l'homme qu'elle devait épouser. Tout avait été déjà réglé, y compris la dote. La destination de la dot était déjà réglée aussi : elle servirait à financer les études des garçons afin qu'ils aient un beau métier.Mon père rêvait qu'ils fassent des études universitaires en France. Pour lui, ce serait une belle revanche sur sa vie de maçon en France.

Ma soeur aînée n'avait donc pas le choix : elle devait se sacrifier. Epouser cet homme beaucoup plus âgé qu'elle n'aimait pas. Il y allait de l'honneur et de l'intérêt de la famille.

Ma soeur était désespérée car elle avait fait la connaissance d’un jeune homme sérieux, qui travaille et qui voulait l’épouser. Mais mon père a refusé qu'elle épouse ce jeune homme car il était incapable de lui payer une dot. Il a ajouté que l'on ne faisait pas tout ce que l'on voulait dans la vie. Lui-même avait beaucoup travaillé pour que sa famille puisse vivre. Il ne faisait pas comme certains hommes qui passent leurs journées au café en laissant leur femme et leur fille assumer toutes seules les charges du ménage. Mais ma soeur continuait à résister. Elle lui a dit qu'elle respectait son choix de vie mais qu'elle ne voyait pas pourquoi elle ne pouvait pas faire aussi ses propres choix de vie. Alors mon père l'a menacé : où tu acceptes d'épouser l'homme que ta mère et moi nous t'avons choisi ou tu quittes notre maison. Ma pauvre soeur a alors cédé. Elle n'est pas retourné à son travail de pâtissière.

J'étais un peu plus turbulente que ma soeur aînée et je sentais que je ne devais pas suivre le même chemin. Alors j'ai suivi une formation pour avoir mon diplôme d'animateur. Cela me va bien car j'aime voir du monde, discuter, danser, sortir en discothèque. Cependant le travail est dur et ne rapporte pas beaucoup d'argent. Or ma famille compte de plus en plus sur moi pour les aider. Parfois, je ne suis pas tranquille car j'ai peur que mes parents cherchent aussi à me marier car les années passent.

Alors je rêve de pouvoir travailler en France, comme père. Je pourrais gagner plus d'argent et aider ma famille qui, j'espère, me laissera alors libre de choisir l'homme avec lequel je veux me marier. Mais c'est devenu bien plus difficile d'immigrer en France que du temps de mon père. Peux être pourras-tu m'aider.

En tout cas, sache que je me rappelerai toujours de ta gentillesse et de l'affection que tu me portes. Tu es le premier homme qui me donne le sentiment que je suis une personne à part entière.

Voilà mon grand frère de coeur ce que je pouvais te dire sur moi-même en espérant que cela nous permettra de continuer à avancer ensemble dans la vie.

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Commentaires
C
Ton avis me fait plaisir car il s'agissait vraiment d'un essai que j'ai écrit en puisant quelques éléments dans la vie de deux personnes qui ont été ensuite mélangés avec le fruit de mon imagination.<br /> L'envie de faire cette histoire m'est venue après avoir lu ton article sur ta femme de ménage.
M
Peut-être. Histoire plausible.
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