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Cisseron
4 novembre 2007

La tournée des cimetières (suite)

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Je ne le connais pas bien ce cimetière car je n'y vais pas souvent. Mais cette année, j'ai décidé de ne pas faire de jaloux entre famille paternelle et famille maternelle. En plus, il fait beau alors pourquoi pas faire un tour au cimetière pour honorer la mémoire du père et de la mère de ma maman.

C'est un trés grand cimetière et j'ai du mal à trouver l'emplacement de leur tombe.

Normal, il s'agit du cimetière d'une grande ville de la région parisienne.

Alors que dans la petite ville champenoise de mon papa, la majorité des tombes porte des noms qui m'évoquent quelques choses.

Ici, aucun nom ne me parle.
Ici, c'est l'anonymat.
Ici, reposent les déracinés.
Ici, c'est un cimetière dortoir.

Pour éviter celà, beaucoup de provinciaux arrivés à l'âge de la retraite repartent dans leur pays natal pour retrouver leurs racines et passer l'éternité en compagnie de leurs ancêtres.

Toi, mon grand-père, ce n'était pas possible car on t'avais promis la mort si tu retournais dans ton village natal.

Toi, ma grand-père, tu ne souhaitais pas retourner dans cette petite ville qui n'avait pas fait grand chose pour soulager la misère dans laquelle, toi, ta soeur et ta mère, vous étiez plongées suite à la mort prématuré de votre père. Tu avais trop souffert là bas.

Alors, c'est en déracinés que vous avez vécu ensemble dasn cette ville de banlieu et c'est en déracinés que vous reposez maintenant.

Enfin, je vous retrouve.

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Maman vous a apporté la dernière rose de son jardin.

Elle a aussi apporté un vieux livre de prières et vous en lit quelques unes.

Les prières sont catholiques et font certainement plaisir à ma grand-mère.

Mais toi mon grand-père j'ai l'impression que tu restes silencieux.

Il est vrai que tu es resté un homme discret.

Je ne t'ai jamais entendu parler de tes origines berbères.

Pourtant, il paraît que tu en étais fier.

Malheureusement, tu en as peu parlé à maman et ma tante.

Maman a toujours trouvé ton nom trés dur à porter.

Aujourd'hui encore, elle cache du mieux qu'elle peut cette origine maghrébine.

Il faut dire que la mentalité française à l'égard des personnes d'origine algérienne est méprisante.

Aujourd'hui encore, le mariage entre une chrétienne et un musulman n'est pas un acte anodin.

Alors, en 1934, quand vous, mon grand-père et ma grand-mère, avez décidé de vous marier, vous avez fait fort  !

Moi même, je maudissais le jour de la rentrée scolaire, quand je devais remplir cette fichue fiche de renseignement scolaire.

Pourquoi es-tu resté discret sur tes origines ? Pourquoi n'as-tu pas réussi à nous transmettre ta fierté ?

Est-ce à cause de l'attitude de ta famille restée en grande Kabylie ?

Est-ce à cause de ce neveu qui n'a pas toléré tes opinions sur la façon d'arriver à l'indépendance algérienne au point de menacer de te tuer ?

Tu aimais ta culture mais peut être plus ton pays.

Par contre, tu aimais les Etats-Unis d'Amérique où tu as passé dix ans. Tu disais que ce qui te fascinait dans ce pays est que les gens n'étaient pas jugés en fonction de leur origine mais en fonction de leur capacité. De retour en France, tu adorais lire le New York Herald Tribune afin de garder un lien avec ce pays où tu te sentais adopté.

C'est pourquoi, je ne parle pas de mes origines berbères, comme maman.

Aujourd'hui, je regarde ta tombe et j'écoute maman dire ses prières.

Pauvre maman dont je comprend seulement maintenant une de ses souffrances.

Je regrette que tu ne m'ais pas parlé même si tu es mort lorsque j'avais onze ans.

Tu m'as laissé quelque chose en héritage. Aujourd'hui, il est dans un coffre et tu ne m'as pas laissé la clé pour l'ouvrir.

De temps en temps, je regarde au travers des interstices. J'ai le sentiment qu'il est beau ton héritage.

J'espère trouver un jour quelqu'un qui puisse m'aider à l'ouvrir.

Je ne voudrais pas mourir sans avoir compris qui j'étais vraiment.

En tout cas, grand-père, sache qu'aujourd'hui j'assume ton héritage.

Repose en paix.

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